MUSIK


L'album du mois

Il faut toujours laisser passer quelques semaines avant de critiquer un album de New Order, non pas pour juger s'il est bon ou mauvais (les albums de New Order sont toujours bons, c'est une des lois fondamentales du rock depuis les années 80), ni parce que, comme d'autres, il faudrait trente ou quarante écoutes pour comprendre ou intégrer la pertinence et la finesse du propos (Radiohead), mais tout simplement parce qu'il faut toujours un certain temps pour identifier les titres qui font vous prendre la tête d'assaut dans la salle de bains au réveil, dans le métro ou alors même que vous serez en train d'écouter quelque concurrent obscur, plus branché, plus hype (Strokes & co).

A ce titre, New Order reste, avec peut-être les Pet Shop Boys et… The Cure, la plus fascinante machine pop que le rock ait enfantée depuis les Beatles et les Beach Boys. Arrivant plus de huit années après l'impeccable "Republic", "Get Ready" était évidemment attendu au tournant, comme s'il avait suffi de cette presque décennie pour que le savoir-faire du plus grand groupe mancunien en activité soit débordé de tous côtés - électro sur sa droite par les Chemical Brothers et consorts, rock sur la gauche par les Oasis et compagnie - et bon à ranger dans les livres d'Histoire. L'état clinique du groupe avait d'ailleurs paru fragile pendant cette éternité, maintenu artificiellement en vie par des exercices de style (le titre de N.O pour la Coupe du Monde de foot - oups), des activités solitaires plus ou moins réussies (Electronic, Monaco, The Other Two) et des rumeurs de séparation définitive.

A l'écoute de "Get Ready", on se dit que tout est bien qui finit bien et que s'il faut attendre encore huit ans pour un tel résultat, on est prêt à congeler des louanges pour 2009 et même pour 2017. Pas besoin de s'y connaître beaucoup pour dire que le cru 2001 compte dans ses sillons un nombre de morceaux tout bonnement géniaux, d'une simplicité et d'une évidence pop-rock qui n'ont pas beaucoup d'équivalent ailleurs. Depuis le suicide de Ian Curtis et le parti pris des anglais de se mettre à l'électronique (mais une électronique chargée en basse et plus lourde que l'uranium), la musique de New Order a toujours oscillé entre sophistication technologique et spontanéité rock et cet album en est la parfaite illustration. Entre la tentation du tout électro ("Republic") et du tout rock ("Brotherhood"), les compagnons d'armes n'ont jamais réussi pour notre grand bonheur à trancher.

Renforcée par le tâcheron Billy Corgan, en vacance définitive de ces citrouilles, sur "Turn my Way", morceau plutôt douceâtre, ou carrément dynamité par la fougue révolutionnaire de Bobby Gillespie (l'imparable "Rock the Shack"), la musique de New Order ressort gorgée par une énergie explosive, pétillante, pétaradante qui s'exprime encore sur le superbe "Slow Jam". Mais cette énergie - et c'est là tout le miracle électronique - est toujours impeccablement maîtrisée et dirigée de façon à ne pas apparaître brouillonne ou vulgaire. La musique de New Order ne gaspille rien et est assise sur des variations de rythme incessantes, une extraordinaire ponctuation de repos, d'étincelles et d'envolées chorales. Pas un accord de basse ne se perd, pas une prise de souffle n'est placée à mauvais escient. Le chant de Bernard Sumner soulève ses textes précis et vaporeux (ces mêmes histoires d'amour adolescentes, ces mêmes rêves brisés, cette fatigue séminale qui fournissent les meilleurs sujets pop depuis l'aube des temps) et les dépose avec une précision de chirurgien chanteur sur des entrelacs de guitare, une séquence rythmique irréprochable (le tandem Peter Hook/ Steven Morris) ou une boucle en ébullition. "Get Ready" enchaîne ainsi des chansons plutôt mélancoliques et nunuches ("Someone like you", "Turn my way", "vicious streak") en forme d'hymnes pop avec des brûlots rock qui redonnent vie à l'énergie live des Joy Division ("60 miles an hour", "Primitive Notion" par exemple). Peter Hook, à qui les bassistes du monde entier devraient ériger une statue, encadre la ligne de chant de transitions pesantes, qui confèrent à la musique du groupe son unité, sa cohérence et sa véritable profondeur. Car derrière l'évidence pop et la petite voix fluette de Sumner, plus juste que jamais, se cache toujours un propos douloureux et le souvenir de l'origine monstrueuse du groupe : la mort de l'ami. New Order secoue son prunier magique sur le titanesque "Primitive Notion" long de plus de six minutes et qui semble couler directement d'une fonderie tant il pèse sur le cœur. Ajoutez à cela quelques sentences en forme de slogans : le "we're crystal / we break easily" de l'entrée en matière, le crâneur "it doesnt take a lot to confuse me / i am not aware of the passing of time", ou encore le fabuleux "I need an armour for my flesh" du début de "Rock the Shack" et vous obtenez un cocktail de fragilité et de surpuissance qui fait de cet album une pépite de collection dont les quelques scories (le niaiseux "Run Wild") passeraient facilement ailleurs pour de la poudre d'or.

StylieBeuBeuf


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